Les Guirlandiers et les Magisciologues



Pierre-Jean-Kevin, l'un des personnages du roman "Dans la peau de Sandrine Tugu", a un petit faible pour l'héroïne de l'histoire. Il écrit de temps en temps des nouvelles, qu'il essaye de lui montrer pour avoir l'air d'un gars bien. Voici sa dernière création.

Comme le texte est assez long, j'ai mis une couleur de fond presque normale, pour préserver la santé de vos yeux. Retenez bien que cette dérogation à la charte graphique de mon site n'est qu'une exception.






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"Parchemin stupide!!"


Uodras sentit le fluide magique s'enfuir de ses mains, et se gaspiller en une gerbe de flammes anarchiques. Le papier se consuma en une seconde. Ce genre d'imprévu délicat arrivait souvent aux magiciens, surtout dans les situations les plus ambiguës. Les gobelins face à lui, qui avaient d'abord eu un mouvement de recul, reprirent rapidement leurs esprits. Plus assez de temps pour de la magie. Uodras fit demi-tour et s'enfuit en courant. Un insecte imbécile avait du s'immiscer dans son sort de boule de feu.


"D'ailleurs, pourquoi parle-t-on d'insectes quand un parchemin est incorrect, alors que ce n'est qu'une erreur dans ses symboles occultes ? ... C'est peut-être dû aux fourmillements dans les doigts, à l'instant où on sent que l'exécution va échouer."


Ce n'était pas le moment de réfléchir à des questions de vocabulaire. Une flèche siffla à ses oreilles, pour se ficher dans le mur de pierre à sa gauche. Il savait que ce couloir aboutissait à un grand lac souterrain.


"Un parchemin de respiration sous l'eau aurait été fort bienvenu. J'aurais pu traverser le lac hors de portée de leur tirs et m'enfuir sans risques."


Les parchemins coûtaient cher, Uodras n'avait pas les moyens de s'en offrir énormément. Par ailleurs, il ne voulait pas se risquer à en dupliquer, à cause des Diagrammes Refractionneurs de Multiplication qui y étaient dissimulés. On lui avait parlé de magiciens fraudeurs qui avaient essayé de les contourner. Leurs expériences furent désastreuses. Le parchemin leur avait explosé au visage et leur avait injecté des éclairs dans les doigts.


Le couloir déboucha sur une large bande de terre, au bord du lac. Uodras fit un saut de côté, se plaqua contre la paroi et prépara une "décharge électrique". Son seul avantage serait l'effet de surprise.


"Les gobelins s'attendent certainement à ce que je continue ma fuite. Pourvu que ce fichu sort s'exécute mieux que l'autre, il devrait en tuer trois ou quatre sur le coup, et effraiera les autres."


Les créatures bondirent juste devant Uodras. Il leva prestement la main et créa dans son esprit les glyphes initielles de récollection submanales. Il était sur le point d'amorcer l'appel occultique fonctionnel quand plusieurs traits verts lumineux surgirent de derrière lui.


Les gobelins tentèrent de se protéger, et le plus grand d'entre eux eut le temps de jeter dans le lac un objet qui était attaché à son cou. Mais les lumières contournèrent leurs boucliers, et les frappèrent exactement entre les deux yeux. Ils s'écroulèrent tous, tués sur le coup.


Uodras se retourna et vit une femme, des fragments d'un parchemin exécuté tombaient de ses mains.


Elle avait un certain charme, avec ses cheveux coupés court et ses grands yeux noirs. Elle était vêtue d'une simple tunique, et portait un énorme sac à dos. Une légère cicatrice barrait sa joue.


"Merci infiniment mademoiselle, je ne sais si j'aurais pu m'en sortir sans vous. Bien entendu, je rembourserais le parchemin que vous avez dû utiliser."


La jeune femme éclata d'un rire joyeux.


" D'accord! Cela vous coûtera donc deux pièces de cuivre !

- Etes-vous folle? C'est tout juste le prix d'une feuille de papier ! Un sort de ce type vaut beaucoup plus !

- Tout juste, c'est le prix d'une feuille de papier. C'est ce que j'ai du dépenser pour l'avoir.

- Ah je vois. Vous êtes une Magi$ciologue Sapiencéenne, et vous avez accès au livresourçe de ce sort. Mais je croyais qu'il vous était interdit d'en copier et d'en vendre pour votre propre compte. Vous risquez d'être réprimandée par votre hiérarchie.

- Je possède effectivement des livresourçes, mais je ne suis pas Magi$ciologue. Je fais partie de la Guirlanderie Neosourcellière Universelle.

- Jamais entendu parler. Est-ce une sorte de guilde?

- Laissez-moi vous expliquer : vous savez que pour exécuter un sort, il faut le parchemin correspondant, et celui-ci tombe en poussière au moment du lancement, qu'il ait fonctionné ou pas. Mais si vous possédez un livresourçe du sort en question, vous pouvez effectuer des "enscribations" et obtenir autant de parchemins que vous voulez. Il vous suffit de quelques minutes et d'un morceau de papier. De plus, un livresourçe est modifiable et peut être rendu plus efficace. [1]

- Oui, c'est le principe de base de la magie. Sauf qu'en réalité, écrire un livresourçe requiert énormément de travail. Seule l'entreprise des Magi$ciologues a pu engager assez de personnes pour cela, et ils préfèrent donc les garder et ne vendre que les parchemins enscribés. Quelques rares magiciens indépendants font leurs propres sorts, mais ils restent très simples et peu utiles.

- C'est là que vous vous trompez. Il existe un groupement de gens partageant leur savoir et une partie de leur temps, ils écrivent des livresourçes, et les mettent à libre disposition de tout le monde. Vous venez d'en avoir un exemple concret et efficace.

- J'avoue avoir du mal à croire à ce genre d'utopie. Mais nous pourrions en discuter plus longuement en faisant route ensemble. Je m'appelle Uodras Celimh, on m'a engagé pour retrouver une statuette en marbre, volée par une bande de gobelins.

- Je suis Dienwe Faredann, je dois contacter les nains forgeurs de Naanshav, qui vivent dans ces souterrains. J'ai des choses à leur apporter. "


Uodras ne souhaitait pas forcément en savoir plus. Il ne négligeait jamais une aide apportée par d'autres aventuriers, mais il évitait de leur poser trop de questions. Tout devenait très compliqué dès qu'on en savait trop sur les autres. Et puis c'était une façon de respecter la vie privée.

Ils fouillèrent les gobelins, puisque dans ce monde, ce genre de choses se fait quand on vient de tuer des ennemis. Cependant, ils ne trouvèrent rien d'intéressant, et décidèrent de reprendre le couloir par où venait Uodras.


Dienwe renifla l'air un instant :

" Vous ne trouvez pas qu'il flotte une légère odeur de cochon grillé?

- Oh, ça c'est quand j'ai voulu exécuter ma boule de feu. Elle était insectée et des flammes m'ont brûlé les poils de bras."


Dienwe se mit de nouveau à rire. Apparemment, cette femme avait de l'humour, et Uodras n'était pas insensible à la joie et au bien-être qui émanait de sa personne.


" D'où votre situation hasardeuse avec les gobelins, avant que j'intervienne. Vous savez, nos sorts comportent bien moins d'erreurs que ceux des Magi$ciologues, car des dizaines de personnes nous aident à les corriger.

- Je n'arrive pas à comprendre le fonctionnement de votre... Guirlanderie. Ou trouvez-vous les énormes sommes d'argent pour payer tous ces magiciens?

- Nous ne sommes pas payés, nous agissons de manière volontaire. Nous recevons des dons, mais ils servent à acheter du matériel de recherche, des astrolabes, des ingrédients alchimiques, ... Tout ce qui peut nous permettre d'exercer nos activités.

- C'est absurde! Un si grand nombre de personnes ne peut travailler de la sorte bénévolement !

- Si car nous avons un idéal : la mise à disposition, pour l'ensemble du monde, de livresourçes et de parchemins efficaces. De plus, nous n'agissons pas entièrement pour rien, mais nous cherchons surtout la reconnaissance de notre talent. Votre sourire, quand vous m'avez remercié d'avoir vaincu les gobelins, vaut plus que quelques pièces d'or pour moi.

- Ce sont de beaux principes, mais j'aurais sans doute du mal à y adhérer. Je suis magicien mercenaire : je travaille et on me paie, c'est ce qui me semble le plus juste.

- Vous pourriez continuer vos activités de mercenaire, et consacrer un peu de votre temps à la Guirlanderie. Vous n'aurez de compte à rendre à personne. Ce serait une occasion d'acquérir des connaissances, de rencontrer des gens, de découvrir une autre façon de voir la magie."


Uodras n'osa pas répondre qu'il était peu intéressé par ce projet. Mais il comptait bien rencontrer le plus tôt possible ces étranges idéalistes. S'ils donnent gratuitement des parchemins, voire des livresourçes, il n'allait pas laisser passer cette occasion.

Mais pour l'heure, il fallait récupérer cette satanée statuette. Ils arrivèrent dans la salle où s'étaient trouvés les gobelins. Le mur du fond comportait une solide porte en bois, fermée par un cadenas imposant. Uodras tenta de l'ouvrir, sans succès.


" Les gobelins ont du entreposer le fruit de leurs rapines dans cette pièce. Auriez-vous un parchemin d'ouverture des portes?

- Pas encore, malheureusement. Mais j'imagine qu'un jour, nous en inventerons un .

- Les Magi$ciologues, eux, vendent des parchemins pour ouvrir les portes, les coffres, les herses, et bien d'autres choses.

- C'est bien là le problème : ils les vendent. Et visiblement, ni vous ni moi n'avons les moyens de les acheter. Il va falloir trouver la clé. Seulement je ne crois pas me souvenir que les gobelins l'avaient sur eux."


Uodras se repassa en mémoire les derniers événements.


" Oh non... Je sais où elle est, cette damnée clé ! J'ai vu l'un des gobelins lancer un objet dans le lac, juste avant de mourir. Saletés de bestioles, même au moment de mourir elles arrivent à nous mettre des bâtons dans les roues.

- Retournons là-bas, nous trouverons peut-être un moyen de la récupérer."


Le lac était sombre, il était impossible d'évaluer exactement sa profondeur, mais il semblait se prolonger loin sous les parois de la salle souterraine. Uodras ne s'imaginait pas y plonger pour chercher la clé. D'autant plus qu'il pouvait très bien être peuplé d'horribles et gluantes créatures amphibies bardées de tentacules dégoûtantes.


Dienwe sortit deux parchemins de son sac.


" Je vais tenter un sort de télékinésie et faire remonter la clé.

- Ca ne fonctionnera jamais. Vous ne pouvez pas la voir, donc vous ne pouvez pas la cibler pour y appliquer le sort.

- Je vais coupler ma télékinésie avec un autre sort : une détection d'objet. Je n'aurais qu'à me concentrer sur un morceau de métal ayant la forme approximative d'une clé, ce qui me permettra d'obtenir son hypsomotif positionnatoire coordonnaire, puis j'y appliquerais la fonction télékisuelle. Ce n'est pas garanti, mais on ne perd rien à essayer.

- Je vois... Le couplage de sort... Pour moi c'est toujours resté un concept théorique. Je n'ai jamais trouvé l'occasion d'essayer ce genre d'astuce.

- C'est parce que les Magi$ciologues ne jugent pas utiles de définir des schémas interinformationnel universopérablié. Leurs sorts peuvent difficilement communiquer entre eux. Et comme vous le savez, c'est déjà hasardeux d'en exécuter un tout seul, alors en couplage... Bref, allons-y."


Elle plia les deux parchemins ensemble, et récita les formules occultiques metadivinatoires. Elle ferma les yeux pour mieux se concentrer et fit les gestes de paraenchantement. Elle avait des mains très fines, et ses mouvements esquissaient dans l'air des courbes gracieuses. Elle donnait bien plus l'impression de danser que d'exécuter un sort.


Quelques bulles apparurent à la surface du lac, mais aucune clé ne semblait en sortir. Dienwe ouvrit les yeux et regarda d'un air déçu ses parchemins tomber en morceaux.


" C'est raté. J'ai bien détecté une clé, mais je n'ai pu la faire bouger.

- Les Magi$ciologues vendent également un sort de télékinésie, et je crois savoir qu'il n'est pas censé fonctionner sous l'eau. Le vôtre a peut-être le même problème. En tout cas c'est embarrassant."


Le visage de Dienwe s'éclaira.


" Vous avez raison! La façon d'appliquer la télékisualité ne doit pas être la même en configuration éolaire qu'en configuration aquarienne! Il nous suffirait de modifier le livresourçe!"


Elle ouvrit son sac à dos et fouilla parmi une vingtaine de petits livres. Elle en sortit un qu'elle montra à Uodras.


" Voici le livresourçe de télékinésie. Si vous voulez, nous pouvons le regarder ensemble, et tenter de l'améliorer.

- Comment un ouvrage aussi peu épais pourrait décrire une télékinésie ? On m'a toujours dit que les livresourçes étaient très volumineux, avec plusieurs centaines de pages !

- Ceux des magi$ciologues sont plus gros, car quand ils créent un sort, ils cherchent à en vendre les parchemins le plus vite possible, sans se soucier de désinsecter et d'optimiser les symboles magiques. De plus, il leur faut intégrer les Diagrammes Refractionneurs de Multiplication, qui se dissimuleront automatiquement dans les parchemins. Nous ne mettons pas ce genre de choses, puisque nous acceptons que notre travail soit recopié et modifié."


Du temps de ses études à l'université privée de Magi$ciologie de Rougemont, Uodras n'avait jamais eu accès à des livresourçes conséquents. Il avait seulement appris à en créer de très simples, durant des cours très théoriques et peu approfondis. Les professeurs leur avaient fait vite comprendre que pour écrire de "vrais" sorts, il faudrait se spécialiser dans un domaine très précis, et par la suite devenir un Magi$ciologue.


Il prit le livre que lui tendait Dienwe. Leurs mains s'effleurèrent légèrement, et à cet instant précis, Uodras prit conscience de l'importance de cet acte. Ce n'était pas tant le fait d'obtenir un objet qu'il n'aurait jamais imaginé avoir. Mais cette femme, elle lui transmettait un savoir, en toute confiance, sans rien demander en retour. C'était un partage simple, si évident, presque enfantin. Leurs regards se croisèrent et se fixèrent un moment, l'un dans l'autre. Il se surprit à penser aux années de sa jeunesse, quand il apprenait à son petit frère les noms des plantes et des arbres.


Dienwe lui souriait. Il sortit de sa rêverie, la situation le mettait un peu mal à l'aise. Il détourna les yeux, ouvrit le livre et y porta toute son attention. La première page ne contenait pas de symboles magiques, mais un texte écrit en langage commun. Dienwe expliqua son utilité.


" Il s'agit de la Garantie de Péri-utilisation Libérée. Elle décrit ce que vous avez le droit de faire avec cet ouvrage. En gros, vous pouvez le recopier, le modifier, l'enscriber, et donner ou vendre tout livre ou parchemin qui en dériverait. Les conditions à respecter sont d'indiquer l'auteur original, et de conserver cette Garantie avec ce que vous transmettez.

- Attendez... Je peux vendre des parchemins de ce sort? Qu'est-ce qui m'empêcherait alors de l'enscriber des centaines de fois, et de gagner une montagne d'argent en volant votre travail?

- En théorie, vous pouvez le faire. Sauf que les Guirlandiers vendent déjà les parchemins, au prix du papier vierge. Vous aurez peu de succès si vous les proposez plus cher. De plus, comme le nom de l'auteur original doit être laissé, le mérite reviendrait à lui, et pas à vous. Et comme je vous l'ai dit, nous cherchons à être reconnu pour notre travail, pas forcément à être payés.

- Mais vous n'êtes pas présent dans le monde entier. Je pourrais aller dans une contrée où ne vit aucun Guirlandier, donc aucune concurrence, et faire des bénéfices.

- Ce cas est prévu par une autre clause de la Garantie. En proposant un parchemin, gratuitement ou non, vous êtes obligé de proposer au même prix le livresourçe correspondant. De plus, il vous faut laisser la Garantie avec ce que vous transmettez. D'autres gens pourront alors faire le même commerce que vous, la concurrence se créera et les prix baisseront jusqu'à être ridiculement bas. L'astuce repose sur le fait que la recopie de sort ne coûte pratiquement rien, et qu'elle est simple à faire, même pour des personnes non instruites en magie.

- Je commence à comprendre le principe. Vous donnez énormément de droits, mais vous donnez aussi deux contraintes : les droits sont obligatoirement transmis avec les sorts, et par ailleurs, les mérites de création et d'améliorations restent à leurs auteurs respectifs.

- C'est exactement cela. Nous n'avons pas besoin d'imposer un prix ou une gratuité. Il nous suffit d'interdire que les connaissances soient emprisonnées par les gens sans scrupules, pour qu'elles deviennent automatiquement accessibles à tous à un prix dérisoire. [2]

- Le concept est intéressant. Mais nous pourrons toujours en discuter plus tard. Pour l'heure, il nous faut améliorer ce sort."


Ils travaillèrent ensemble pendant toute une nuit sur le livresourçe. La description détaillée de leur labeur serait assez longue et fastidieuse, de plus, elle ferait intervenir un vocabulaire très spécifique à la discipline de la magie, ce qui n'est pas forcément intéressant pour tout un chacun. Nous passerons donc rapidement sur cette partie de l'aventure.


Une fois les modifications terminées, Dienwe laissa à Uodras le plaisir d'enscriber et d'exécuter le sort amélioré. A sa grande satisfaction, il parvint à faire remonter la clé hors de l'eau, et la fit voler doucement jusque dans la main de Dienwe. Il ne restait plus qu'à ouvrir la porte.


Ils retournèrent au repaire des gobelins, le cadenas se libéra avec un délicat cliquetis métallique. Ils pénétrèrent dans la pièce.


Il y avait là plusieurs armes, une bonne quantité de tonnelet de bière, et quelques pièces d'or dissimulées ça et là, qu'ils se partagèrent. La statuette de marbre était cachée sous une pile de vêtement crasseux. Uodras s'en empara.


" La voici! Je vais enfin pouvoir la rendre à son propriétaire et récupérer la prime! Je suis prêt à la partager avec vous, Dienwe. Vous m'avez énormément rendu service pour cette quête.

- N'en faites rien. Mais si une occasion se présente, je viendrais vous demander de l'aide. L'amélioration de la télékinésie a vraiment été efficace, en grande partie grâce à vous. Un jour ou l'autre, je pourrais avoir besoin de vos capacités.

- Je vous remercie grandement. Mais il faut que vous sachiez que la récompense s'élève à 200 pièces d'or.

- Gardez tout, je n'en ai pas besoin. Cependant, je serais curieuse de savoir quel genre de personne peut payer une telle somme pour un simple morceau de marbre.

- Il s'agit d'un riche collectionneur d'art. Il faisait transporter la statuette pour une prestigieuse exposition, où sont conviés tous les seigneurs des environs. Les gobelins ont attaqué et pillé le convoi. A ce qu'on m'a dit, c'est un sculpteur très connu qui a réalisé cette oeuvre, et elle a une grande valeur. Je n'entends rien à toutes ces choses, mais du moment qu'on me paye, je suis satisfait.

- J'ai toujours été étonnée par l'ineffable propension des riches à dépenser leur argent pour n'importe quoi. Ils achètent les objets les plus chers possibles rien que pour afficher leur fortune, ce qui fait le bonheur des artistes chanceux. Malheureusement, il doit exister une foule de peintres, sculpteurs, et écrivains très talentueux, qui restent pauvres et inconnus, tout ça parce qu'ils ne satisfont pas les critères esthétiques aléatoires de ces idiots d'amateurs d'art.

- Ce serait amusant que des oeuvres puissent circuler selon le même principe que les sorts de la Guirlanderie. Nous nous retrouverions avec des dizaines de statuettes en marbre, qui ne coûteraient pratiquement rien, à part, mettons... le prix du matériau et le travail du sculpteur pour réaliser la copie. Les riches se sentiraient quelque peu déstabilisés.

- Cela me semble un peu utopique, très cher Uodras.

- C'est ce que je vous avais répondu quand vous avez commencé de me parler de la Guirlanderie.

- Certes. Mais contrairement aux sorts, l'art n'est pas forcément sous forme de livres et de parchemins. Ce serait peut-être plus compliqué d'y appliquer un système de droits le plus permissif possible. Et puis si c'était le cas, qui irait vous payer pour aller rechercher des oeuvres volées?

- Ce serait peut-être l'occasion pour moi de changer de métier, et devenir... sculpteur par exemple. J'aimerais bien créer de jolies choses avec mes mains. Mais vous avez raison, nous n'en sommes pas encore là. Je laisse les bourgeois dorés gaspiller leur argent de manière fantaisiste, pour mon plus grand bonheur.

- Oui. Quelle utile population que celle des riches imbéciles ! "


Uodras sourit à cette dernière remarque. Elle lui donnait l'impression que le monde était empli d'un humour bon enfant, et que des plaisanteries espiègles étaient toujours présentes pour diminuer le fossé entre les pauvres vagabonds comme lui et les riches seigneurs. Durant quelques secondes, il laissa sa réflexion jouer avec ces idées. Une petite évasion pour l'esprit, rien de plus.


Il quitta ses pérégrinations mentales pour reprendre son sérieux. Dienwe semblait prête à repartir.


" Bien. Votre quête est maintenant finie, Uodras. Je ne voudrais pas que vous vous forciez à m'accompagner pour la mienne. Les nains forgeurs de Naanshav sont loin dans les souterrains, mais le chemin est sûr. Je saurais me débrouiller seule.

- Vous m'avez aidé à récupérer cette statuette, et je serais un rustre si je vous abandonnais de la sorte. De plus, je souhaiterais rencontrer ces nains, j'ai ouï dire qu'ils vendaient des armes de bonne qualité."


Uodras rangea la statuette dans son sac, et rassembla les quelques objets intéressants qu'il comptait emporter. En vérité, il avait besoin d'en savoir plus sur les Guirlandiers, c'est pourquoi il ne voulait pas la laisser partir sans lui.


Il eut un doute. Non, la vraie raison n'était pas celle-ci.


Simplement, la présence de cette femme près de lui le rendait heureux, il la trouvait agréable et sincère. C'est surtout elle qu'il voulait découvrir.


Ils reprirent leur chemin. Les souterrains étaient calmes. Des cafards rampaient tranquillement à leurs pieds, de la mousse verte poisseuse moussoyaient sur les parois humides, la pénombre et le silence se voulait le plus oppressant possible. Un lieu somme toute assez classique pour des quêtes et des aventures.

Uodras reprit la conversation.


" Au fait, qu'est-ce qui m'oblige concrètement à respecter votre Garantie de Péri-utilisation Libérée? Que risquerais-je à prendre vos sorts et à prétendre que j'en suis l'auteur?

- En théorie c'est possible. Mais cela vous exposerait à de graves problèmes. Nous sommes peu nombreux, mais nous savons nous informer rapidement. La supercherie serait facilement dévoilée, et vous seriez obligé de cesser vos agissements et de payer. De plus, dans une telle situation la loi serait de notre côté, et nous pourrions demander l'aide de personnes influentes.

- Et si les Magi$ciologues tentaient de récupérer vos sorts à leurs compte? Il est plus difficile de lutter contre eux.

- Alors une guerre risquerait d'éclater entre Guirlandiers et Magi$ciologues. Nous aurions un avantage, car ils se seraient discrédités à prendre nos sorts et violer nos conditions. Mais de toutes façons, soit ils nous détestent, soit ils nous ignorent. Donc en aucun cas ils ne s'abaisseraient à récupérer notre travail.

- En fait, votre but est de les détruire, car vous les trouvez trop arrogants et cupides.

- Pas forcément. Ils ont une certaine façon de faire leur commerce et de diffuser leurs réalisations, nous avons la nôtre. Chacun agit de son côté, mais nous ne cherchons pas spécifiquement à leur nuire.

- Mais vous devez bien reconnaître que vous êtes gênant pour eux. Plus vous serez connus, moins leurs parchemins se vendront, et ça ne va pas leur plaire.

- On pourrait imaginer l'inverse. Les Magi$ciologues proposent des sorts efficaces, nous ne parvenons pas à fournir la même qualité, ils restent connus et nous disparaissons. La concurrence fera gagner les plus performants. D'autre part, nous pouvons très bien continuer à cohabiter en paix, sans trop nous déranger mutuellement.

- Si une guerre ouverte se déclarait, vous pensez sérieusement pouvoir la gagner?

- Ils ont de l'argent et pourraient recruter des armées entières. Mais une chose est sûre, nous ne nous laisserons pas vaincre facilement. De plus en plus de guildes, seigneurs, et autres clans se servent de nos sorts. Ils nous trouvent sympathiques et utiles, et sont donc prêt à se mobiliser pour nous. Et même si nous sommes éradiqués, ce que nous avons créé est indestructible.

- Les sorts que vous avez écrits?

- Oui. Nos livres et nos parchemins se multiplient sans que nous ayons d'effort à fournir. C'est amusant, car nous ne sommes même pas capable de dire combien d'exemplaires circulent actuellement. Mais il est impossible de les détruire tous.

- Je vois. Un homme -ou une femme- est mortel, mais pas ses idées. [3] Mais si je puis me permettre, je n'aimerais pas vous voir mourir, Dienwe.

- Vous seriez prêt à me protéger contre des hordes de gobelins et de Magi$ciologues désaxés ? Etonnant ! Je croyais que vous ne travailliez que pour de l'argent, monsieur le magicien mercenaire !

- Je ne sais pas... Votre sourire, quand vous m'avez confié le livresourçe de télékinésie, vaut peut-être plus que quelques pièces d'or.

- Oui. Et peut-être que les mignons petits démons de la liberté néosourcelière envahissent malicieusement votre esprit."


Uodras ne sut que répondre et resta perdu dans ses rêves. "Certes, des démons envahissent mon esprit, et pourtant je me sens aux anges". Le fonctionnement de la Guirlanderie lui semblait toujours flou, et ses pensées étaient encore plus confuses dès qu'il regardait Dienwe. De nouvelles notions et de nouveaux sentiments se mélangeaient dans sa tête. Il essaya de ne pas paraître trop troublé.


Ils continuèrent à discuter de choses et d'autres le long de leur périple. Après plusieurs heures de marche, la porte marquant l'entrée du domaine souterrain de Naanshav se tenait devant eux.


Les nains prenant toujours très au sérieux leur réputation de forgeurs et de mineurs, la porte mesurait bien entendu 30 mètres de haut pour 10 mètres de large. Les battants étaient inévitablement fait d'un seul bloc, sur lesquels était ciselé une fresque surchargée, commémorant une quelconque bataille grandiose où les représentants du peuple nain se seraient illustrés par leur légendaire bravoure et leur capacité naturelle à combattre en étant complètement ivre. De larges diamants incrustés et d'épais ornements de mythril contribuaient à l'écoeurement global provoqué par cet hommage au mauvais goût architectural. De manière prévisible, un gigantesque assemblage de rouages, de mécanismes et de machines à vapeur se mit bruyamment en marche pour déclencher l'ouverture.


"Quelle bande de frimeurs ces nains ! " se dit Uodras. "Ils ne peuvent s'empêcher de faire dans le titanesque et l'assourdissant. S'ils avaient vécus dans un autre monde, dans lequel existerait, par exemple, des machines capable d'avancer toutes seules, ils s'acharneraient à en créer des spéciales, recouvertes de colifichets hideux, et munies de dispositif destinés uniquement à faire du vacarme."


Derrière la porte, plusieurs bâtisses avaient été creusées dans la roche, formant une véritable petite ville. Inutile de s'attarder à décrire l'évidente profusion de sculpture, pierreries scintillantes, fontaines de cristal et autres artifices à l'esthétique douteuse recouvrant l'ensemble.

Un nain trapu, vêtu d'une lourde cotte de maille et appuyé sur une solide hache les attendait. Il s'avança en beuglant joyeusement.


"Ahoy! Mademoiselle Faredann ! C'est donc là bien un grand plaisir de vous revoir ! Et un ami est avec vous ? Fort bien ! Le bonjour monsieur ! Mon nom est Wagrnzk ! Alors donc de la bière pour tout le monde ! Hop hoy ! A l'auberge ! "


Il leur broya vigoureusement les mains, et les entraîna d'un pas enjoué vers l'une des constructions les plus imposantes.


Conformément aux règles de bienséance de son peuple, il posa avec fracas sa hache sur la table, hurla sa commande dans l'oreille de l'aubergiste, et bu d'un coup le premier des vingt-trois tonnelets de bière qu'il avait pris. Dienwe et Uodras s'en tinrent raisonnablement à un pichet chacun, le minimum pour ne pas choquer l'hospitalité des nains.


" Voilà donc pour bien débuter ! Hoy ! Parlons maintenant travail ! Très chère mademoiselle Faredann ! Nous vous avons réservé comme prévu une salle de stockage. Pas trop grande, sans humidité, tout ce que vous entreposerez dedans sera bien gardé. Parole de Wagrnzk !

- C'est parfait. J'ai apporté tous les livresourçes que nous y mettrons. Etes-vous toujours d'accord pour les laisser en accès libre ?

- Exactement donc oui ! Les livres ne pourront sortir de la salle, mais en revanche-par-contre, nous autorisons toute personne à venir les consulter et les recopier. Ainsi qu'également que nous n'exigeons rien en retour, simpleseulement nous conservons la moitié des dons fait par les visiteurs. Et d'autre part-par-ailleurs, il est possible que d'autres livres soient déposés ensuite, à condition que le nombre en reste raisonnable.

- Cela nous convient très bien. J'ajoute que si vous souhaitez réaliser un peu plus de bénéfices, vous pouvez vendre des livres et des parchemins vierges.

- Hoy da ! Belle douce damoiselle ! Nous y avions d'ores à déjà pensé et nous sommes procurés tout un stock de papelarderies non encore scribouillés ! Voici donc qui est dit ! Maintenant trinquons donc et piachons une bonne golaille de beuvrage pour fêter notre concluement d'affaire !

- Et sinon, êtes-vous satisfait de notre sort pour faire chauffer le métal ?

- Hopla Hoy ! J'allais en venir à, car pour précisément-vrai-dire, pas complètement ! Nous ne parvenons pas à obtenir une efficacité aussi etonnamexcellente que ce que vous nous aviez montré à l'initialement. Nous ne n'y entendons malheureusement que foutreusement pas grand-chose à ces abracadabranteries sorcelleresques !

- Ce n'est sans doute qu'une question d'entraînement. Mon ami Uodras est un magicien expérimenté, il pourra vous donner quelques conseils. De mon côté, j'en profiterais pour aller ranger les livresourçes dans votre salle."


Uodras faillit avaler sa gorgée de bière de travers. "Elle pourrait tout de même demander mon avis avant d'offrir mon aide ! " Il n'avait pas d'animosité envers les nains, mais conservait de sérieux doutes quant à leurs capacités en magie. Il lança un regard désespéré à Dienwe. Elle lui sourit, mais continua sa conversation avec Wagrnzk.


" Avez-vous besoin d'autres choses ? Des sorts, un service quelconque ...

- Ahahoy ! Fort affirmativement ! Pourriez-vous faisablement écrire un sort pour faire fermenter la bière plus vite ? Cela nous serait exquissament intéressant, surtout quand nous devons repousser des hordes de sangsues souterraines géantes ! Saviez-vous que le vomi les dissolvait ? Hahaha ! Vous devriez voir ça ! Un foisonnant spectacle de liquides colorés et de bulles odorantes ! De l'art mes bonssieurs-dames ! Véritablement de l'art !

- Oui j'imagine... Faites-nous un don assez conséquent, nous mobilisons plusieurs Guirlandiers et le sort est prêt dans environ deux mois. Nous pouvons aussi le créer gratuitement, mais les délais seront bien plus longs.

- Ach que donc ! Je comprends très amplement ! Nous sommes prêt à déboursailler de l'or pour un travail vite bien fait ! Vous nous donnerez une fourchettée de prix et nous aviserons, gente damesoiselle ! Bien ! Maintenant qu'étant réglé tout le discutaillage sur la prestigitidaterie ! Je sens poindre timidement l'apéritif ! Allons retrouver quelques amis à moi pour nous restaurer ! Vous êtes invités, bien éthylementendu ! "


Ils se dirigèrent vers une autre pièce de l'auberge et furent accueillis avec enthousiasme par une grande tablée d'une vingtaine de nains. Dienwe et Uodras appréhendaient quelque peu la suite des événements, mais ils survécurent honorablement à l'apéritif et au repas, grâce à leur présence d'esprit de refuser poliment tous les jeux de beuverie auxquels on leur proposait de participer.


Ensuite, les nains souhaitant avoir les conseils de Uodras restèrent avec lui. En tant que simples utilisateurs de magie, ils désiraient seulement améliorer leurs enscribations et leurs exécutions. Ils ne se servaient que du sort de chauffage de métal, principalement pour forger, mais parfois aussi pour l'appliquer sur l'armure portée par un collègue, histoire de faire une bonne blague.

Au départ, l'entraînement ne fut pas très facile, en particulier quand Uodras supprima leur règle : "Qui rate son sort, boit un tonnelet cul sec". Les sciences occultes étant surtout affaire de concentration et de représentation mentale, elles s'associent assez mal avec des activités festives.

Mais par la suite, il fut étonné de voir leur rapidité d'apprentissage. Il avait toujours cru que la magie n'était réservée qu'à des personnes suffisamment instruites. Apparemment, en prenant le temps d'expliquer, des savoirs plus ou moins complexes pouvaient être transmis à la plupart des gens.


Ils passèrent tout l'après-midi à s'exercer. Pour finir, les nains le remercièrent chaleureusement, et lui proposèrent d'emporter des armes de leur fabrication. Uodras choisit quelques dagues fines et maniables, parfaites pour un magicien. Il alla ensuite retrouver Dienwe.


Elle était dans une petite pièce sombre, comportant quelques étagères de livres. Assise à une table au milieu de la pièce, elle recopiait le livresourçe de télékinésie. L'unique bougie créait des reflets harmonieux sur son visage. "Elle est vraiment jolie, se dit Uodras, il est agréable d'être en compagnie des nains, mais sa présence à elle est un réel enchantement. On pourrait presque dessiner son portrait, ici. Cela ferait une peinture très intime, très calme."

Elle leva les yeux et le regarda.


" J'ai presque fini. Et vous, comment vous en êtes-vous sorti avec les nains ?

- A merveille, je les ais trouvés très doués. Peut-être qu'à l'occasion, je mettrais par écrit ce que je leur ai expliqué, cela pourrait servir à d'autres.

- Une sorte de document didactique. Oui, c'est une bonne idée.

- J'ai été gêné que vous ne m'ayez pas demandé mon avis avant de leur proposer mes services, d'autant plus que je n'avais jamais rien enseigné en magie. Mais finalement je vous en remercie, car ils m'ont offert des armes de très bonne facture.

- Je voulais que vous preniez conscience d'une chose importante. Il est facile d'élever son esprit pour acquérir des connaissances, alors qu'on éprouve des réticences à l'abaisser pour donner des explications à des personnes moins instruites. [4]

- En tout cas ce fut une expérience enrichissante. Au fait, pourquoi leur avoir apporté la totalité de vos livresourçes ? La plupart de ces sorts leur seront sans doute inutiles.

- Nous essayons de créer le plus possible d'annexes de la Guirlanderie, accessibles à tous. Ainsi, nos connaissances se diffusent mieux à travers le monde. Si les Magi$ciologues nous déclarent la guerre, ils auront d'autant plus de mal à nous anéantir que nous aurons créé beaucoup de lieux de ce type. Comme nous avons rendu maints services aux nains de Naanshav, ils ont accepté d'héberger un exemplaire de notre savoir.

- Je comprends. Il y aurait donc entreposé ici tous ce qu'a créé la Guirlanderie ? Pardonnez ma désobligeance, mais il n'y a qu'une vingtaine de livres. Les Magi$ciologues, eux, en possèdent dix fois plus.

- C'est vrai. La Guirlanderie est assez récente et nous n'avons que peu de sorts. Mais nous évoluons vite, et il ne tient qu'à vous de nous venir en aide.

- Il faut que j'y réfléchisse. En attendant, si vous avez terminé, nous devrions peut-être y aller. Mon foie me supplie de ne pas prendre le repas du soir avec les nains."



Ils firent leurs salutations à Wagrnzk et ses amis, sans pouvoir échapper à la tournée d'adieu, puis ils quittèrent le domaine de Naanshav. Les gigantesques portes se refermèrent derrière eux, avec tout ce que cela implique de cacophonie et de vapeur. Ils étaient à nouveau seuls tous les deux. Uodras ne savait trop comment lui dire adieu. Elle sortit un livresourçe de sa poche.


" Tenez, j'aimerais vous offrir ceci. Il s'agit de la télékinésie que nous avons amélioré ensemble. J'en ai laissé une copie dans l'annexe, mais ce n'est pas rigoureusement la même.

- Que voulez-vous dire ?

- Je n'y ai pas reporté nos modifications. Ce qui signifie que le livresourçe que vous avez est actuellement le seul décrivant la télékinésie améliorée, celle qui fonctionne sous l'eau.

- N'aurait-il pas mieux valu la recopier intégralement ? afin de laisser disponible la version la plus efficace ?

- Si bien sûr. Mais j'aimerais que vous l'apportiez par vous-même à la Guirlanderie. C'est principalement votre travail d'amélioration, c'est donc à vous de vous en occuper jusqu'au bout, et de recevoir la reconnaissance qui vous est due.

- Merci infiniment Dienwe. Mais où puis-je trouver la Guirlanderie ?

- En fait nous n'avons pas de lieu de commandement central, ni véritablement de chef ou de dirigeant. En revanche, tous les mardis, nous nous retrouvons dans le village de Lutol, à l'auberge du Felfe.

- J'y serais, avec le livresourçe. De toute façon je suppose que c'est obligé, puisque c'est la Guirlanderie qui l'a écrit au départ.

- En fait, la Garantie de Péri-utilisation Libérée vous donne le droit de garder vos sorts modifiés pour vous seul, si vous le souhaitez. Mais avouez que ce serait dommage, vous perdriez une occasion de vous faire connaître. De plus, apporter une contribution utile aux Guirlandiers est le meilleur moyen pour qu'ils vous respectent immédiatement.

- Et vous ? Serez-vous présente ce mardi ?

- Certainement. J'essaie d'y aller le plus de fois possible.

- Alors peut-être nous reverrons-nous là-bas.

- Je l'espère. En attendant, nos chemins se séparent ici, très cher Uodras. Mais ce sera un plaisir de vous revoir.

- A bientôt Dienwe. Merci pour tout. Vous êtes vraiment une femme exceptionnelle."


Il l'embrassa sur le front et la serra dans ses bras. Peut-être était-il supposé l'embrasser pour de vrai. Il n'avait jamais vraiment su comment se comporter avec les femmes. Le moment de tout faire basculer lui semblait toujours inaccessible. Ils s'éloignèrent l'un de l'autre en se regardant. S'il avait bu un peu plus de bière chez les nains, peut-être que moins d'interrogations idiotes seraient en train de lui assaillir l'esprit.


" Au revoir.

- Au revoir."


Elle partit, se retourna et lui fit un signe de la main. Puis elle disparut par un couloir. Uodras resta perdu dans ses songes.


Sa décision était prise, il se rendrait à cette retrouvaille de Guirlandiers. Et par la suite, il essaierait de consacrer une partie de son temps à les aider, à diffuser leur savoir et à y contribuer. Ils réalisent des sorts gracieusement, en accord avec leurs idéaux, et aussi parce qu'ils cherchent de la reconnaissance. Tant mieux pour eux. Uodras n'était pas vraiment intéressé par les flatteries de dizaines d'inconnus. Il ne voulait l'admiration que d'une personne : Dienwe. C'était une raison suffisante pour se joindre à leur organisation.


Il se dirigea vers le chemin menant à la sortie des souterrains. Durant ces dernières années, il avait accompli plusieurs quêtes et remporté des combats périlleux. Mais il sentait que des aventures d'un autre genre allaient commencer.









[1]

On retrouve à peu près le même fonctionnement dans certains jeux vidéos : un parchemin permet de lancer un sort une seule fois, un livre permet d'apprendre le sort et de le lancer plusieurs fois.

Pour comparer avec le monde réel, un parchemin serait l'équivalent du fichier exécutable d'un logiciel, un livresourçe correspond au code source, une "enscribation" serait une compilation et un insecte est tout simplement un bug. Par ailleurs, dans mon histoire, le fait de posséder seulement un parchemin, sans le livresourçe, est encore plus contraignant, car on ne peut s'en servir qu'une fois. Comme si un fichier .exe se supprimait après son exécution.


[2]

Je ne suis pas sûr que la GPL du monde réel fonctionne exactement selon ce mécanisme. Mais il faut bien constater que les logiciels libres finissent en général par être disponible gratuitement. Des tas de gens disent : "l'important est que ça soit libre, on s'en fiche si c'est gratuit ou pas". C'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour faire semblant de ne pas s'apercevoir que la liberté d'un logiciel a une forte influence sur son prix.

Cependant, je n'ai pas la prétention de m'y connaître beaucoup en logiciel libre. On doit sûrement pouvoir infirmer ce que je dis, exemples à l'appui. Ce à quoi je répondrai : "Proutch! Je raconte ce que je veux! Hahaha!"


[3]

Cette phrase je l'ai piqué à la chanson Happy Nation, de Ace of Base. "A man will die, but not his ideas". On a la culture qu'on peut, hein ! Désolé.


[4]

Cette idée a été piquée à Montaigne. Il a dit quelque chose comme : "Je marche plus ferme et plus sûr à mont qu'à val". Et vlan! Prenez ce gros morceau de vraie culture sérieuse dans vos têtes !





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